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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/28

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trouve même à les voir m’avaient déjà fait former le dessein de réprimer cette partie de mes inclinations, et de préférer une vie tranquille à des plaisirs si pénibles.

Cependant, je me trouvai en liaison avec les Seigneurs turcs qui avaient la réputation d’être les plus délicats dans le choix de leurs femmes, et les plus magnifiques dans leur sérail. Ils m’avaient traité vingt fois dans leurs palais avec autant de caresses que de distinction. J’admirais qu’au milieu de nos entretiens ils ne mêlassent jamais les objets de leur galanterie, et que leurs discours les plus enjoués ne roulassent que sur la bonne chère, la chasse et les petits événements de la cour ou de la ville qui peuvent servir de matière à la raillerie. Je me contenais dans la même réserve, et je les plaignais de se retrancher, par un excès de jalousie ou par un défaut de goût, le plus agréable sujet qui puisse échauffer une conversation. Mais je pénétrais mal dans leurs vues. Ils ne pensaient qu’à mettre ma discrétion à l’épreuve ; ou plutôt dans l’idée qu’ils avaient du goût des Français pour le mérite des femmes, ils s’accordaient comme de concert à me laisser le temps de leur découvrir mes inclinations. Ce fut du moins le jugement qu’ils me donnèrent bientôt lieu d’en porter.

Un ancien Bacha, qui jouissait tranquillement des richesses qu’il avait accumulées dans une longue possession de son emploi, m’avait marqué des sentiments d’estime