Aller au contenu

Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/81

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

timent l’emporta beaucoup sur le crime. En l’aidant à regagner le toit de sa fenêtre, elle le précipita si cruellement qu’il se tua dans sa chute. Ce fut elle-même qui m’apprit le lendemain cette vengeance barbare.

« Cependant elle n’avait pas fait réflexion qu’il avait entraîné à lui son échelle de corde, et que ce témoignage, joint à la triste situation où il était, ne manquerait pas de faire connaître tout d’un coup la nature de son entreprise. À la vérité il pouvait paraître incertain de quelle fenêtre il était tombé, parce qu’il y en avait plusieurs qui donnaient sur la cour. Mais l’alarme n’en fut pas moins vive dans la maison de Chériber, et les effets s’en communiquèrent tout d’un coup au sérail. Il interrogea lui-même toutes ses femmes. Il fit visiter tous les lieux qui pouvaient faire naître ses défiances. On ne découvrit rien ; et j’admirai avec quelle tranquillité ma compagne soutint les mouvements qui se faisaient autour d’elle. Enfin les soupçons de l’intendant tombèrent sur moi ; mais ce fut sans les communiquer à son maître. Il me dit qu’après les imaginations dont je m’étais remplie, il ne pouvait douter que ce ne fût moi qui avais troublé la paix du sérail, et qui avais pensé peut-être à me procurer la liberté par un crime. Les menaces par lesquelles il voulut m’en arracher l’aveu me causèrent peu d’épouvante ; mais je me crus perdue lorsqu’il me parla d’arrêter les esclaves qui m’étaient les plus atta-