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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/100

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désharmonie, qui rend la guerre aussi odieuse qu’elle avait paru sublime. Ce sera la matière de ce livre IV.

Examinant donc à nouveau les raisons qui motivent la guerre et les influences qui la déterminent, remontant la chaîne des causes, et essayant de les ramener toutes à une expression unique, que découvrons-nous ? Que la guerre se résout, selon l’expression de Grotius, dans la défense ou la revendication de soi et du sien ; c’est-à-dire que si, dans ses exécutions, elle a soin de s’entourer toujours de considérants élevés, empruntés à la politique et au droit des gens, au fond, et sans que ces considérants perdent rien de leur valeur, elle est provoquée originairement par le manque de ressources, c’est-à-dire par la rupture de l’équilibre économique. La guerre aurait ainsi pour but, en dehors des considérations d’état qu’elle allègue, considérations en elles-mêmes fort importantes, de pourvoir, par la spoliation du vaincu, au déficit qu’éprouve le vainqueur.

Il suit de là que la guerre obéit à une double impulsion ; elle est l’effet de deux sortes de causes : une cause première, commune à toutes les époques, à tous les états, à toutes les races, cause honteuse, mais incessante, qui se dissimule et se cache ; et des causes secondes, les seules honorables et qu’on avoue, ce sont celles dont nous avons parlé et qui se déduisent des nécessités politiques. — Lois organiques de l’alimentation, du travail et de la pauvreté ; loi morale de la tempérance ; loi économique de la répartition des services et produits. Caractère et universalité du paupérisme, engendré par la violation de ces lois, et cause première de la discorde. Tableau des évolutions, la guerre à ce nouveau point de vue. Synonymie primitive du héros et du pirate ; poésie du brigandage. Exemples tirés de la Bible. Le génie grec ne parvient pas à s’élever, dans la politique et dans la guerre, au-dessus des idées de spoliation et de tribut : ignominies de la guerre du Péloponèse. — Progrès dans la guerre : le pillage s’élève à la conquête. La Grèce est évincée par les Macédoniens ; ceux-ci par les Romains. Développement de l’esprit de conquête dans les temps modernes : les idées de spoliation et de tribut, quoique s’affaiblissant, en demeurent inséparables. Conséquences que pourrait avoir de nos jours, d’après le droit établi, une guerre à outrance entre deux nations civilisées : péril universel. — La conquête, seul but de la guerre, séparée de toute idée de pillage et de tribut, devient une contradiction et la guerre inutile. Situation révolutionnaire.