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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/108

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mêmes ; tant la vérité pour être saisie a besoin d’une critique opiniâtre, et, comme les jugements de nos tribunaux, d’un débat contradictoire.

Après cet hommage rendu à Grotius, essayons de tirer au net sa pensée.

Je remarque d’abord qu’attribuer à la défense de soi et du sien la cause première de la guerre, c’est considérer le phénomène sous une seule de ses faces, laquelle n’est pas même, en date, la première. Pour que je me défende, il faut que quelqu’un m’ait attaqué ; et pourquoi m’attaque-t-il, si ce n’est parce qu’il prétend, à tort ou à raison, que je lui appartiens, que je relève de lui, que je suis son débiteur, moi et ce qui est à moi ? La guerre est un fait dualiste, qui implique à la fois revendication et dénégation, sans préjuger plus de tort d’un côté que de l’autre. C’est l’erreur de Grotius et de tous ceux qui l’ont suivi de penser que la guerre est toujours et nécessairement injuste au moins d’un côté, tandis que, d’après sa notion, et dans la grande généralité des cas, elle est aussi juste d’une part que de l’autre. La loyauté de chacune des puissances belligérantes est inséparable de l’hypothèse même de la guerre.

Revendication et dénégation de la propriété, voilà ce qu’il y a au fond de toutes les contestations humaines, aussi bien entre les états qu’entre les particuliers. Ici, nous sortons de la politique proprement dite ; nous entrons dans une autre sphère d’idées, dans la sphère de l’économie sociale. Il faut, en un mot, que l’État, comme l’individu, vive, c’est-à-dire qu’il consomme ; la souveraineté qu’il s’arroge ou revendique n’est à autre fin que d’assurer sa consommation : tel est le fait dans sa simplicité originelle…

Pour avoir le dernier mot de la guerre, nous devons donc remonter plus haut que n’a fait Grotius, considérer