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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/111

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dra ses trophées, les empires qu’elle a fondés, les nations qu’elle a affranchies, les consciences qu’elle a émancipées, les libertés qu’elle a conquises : fille du paupérisme, elle a la cupidité pour marraine, et son frère est le crime. Devinez-vous maintenant pourquoi la guerre ne peut réaliser son idéal ?

La thèse que je me propose d’établir ici comprend trois questions :

1° Le paupérisme, que j’accuse des malheurs de la guerre, est-il tel, qu’on puisse légitimement les lui imputer ?

2° Comment s’exerce l’influence du paupérisme sur la politique des gouvernements ?

3° Comment dans les rapports internationaux ?

Je serai sobre de considérations économiques : on comprend que la véritable preuve de ma thèse est dans les faits, elle appartient à l’histoire.


Que l’orgueil de notre luxe et la fièvre de nos voluptés ne nous fassent pas illusion : le paupérisme sévit sur les nations civilisées autant que sur les hordes barbares, souvent davantage. Le bien être, dans une société donnée, ne dépend pas tant de la quantité absolue de richesse accumulée, toujours moindre qu’on ne suppose, que du rapport de la production à la consommation, surtout de la distribution des produits. Or comme, par une multitude de causes qu’il est inutile d’énumérer ici, chez aucun peuple la puissance de produire ne saurait égaler la puissance de consommer, et comme la distribution des produits s’exécute d’une manière beaucoup plus irrégulière encore que leur production et leur consommation, il résulte de tout cela que le malaise est universel et constant ; que telle société qu’on se figure dans l’opulence est indigente ; bref, que tout le monde est atteint par le paupérisme, le propriétaire qui vit de la rente,