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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/112

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aussi bien que le prolétaire qui n’a pour se soutenir que le travail de ses bras.

Cette proposition pouvant sembler paradoxale, je demande la permission d’y insister quelques instants.

De toutes les nécessités de notre nature, la plus impérieuse est celle qui nous oblige à nous nourrir. Quelques espèces de papillons, à ce que l’on dit, ne se nourrissent pas ; mais ils s’étaient repus à l’état de larves, et leur existence n’est qu’éphémère. Vaut-il la peine de les prendre pour un symbole de la vie angélique, affranchie des sujétions de la chair ? Je laisse aux amateurs d’analogies le soin de le décider. Quoi qu’il en soit, l’homme partage la condition commune de l’animalité : il faut qu’il mange, en langage économique, qu’il consomme.

Telle est, dans la sphère économique, notre première loi : loi redoutable, qui nous poursuit comme une furie, si nous ne savons y pourvoir avec sagesse, comme aussi lorsque, lui sacrifiant tout autre devoir, nous nous faisons ses esclaves. C’est par cette nécessité de nous alimenter que nous touchons de plus près à la brute ; c’est à sa suggestion que nous nous rendons pires que brutes, lorsque nous nous vautrons dans la débauche, ou que, surpris par la famine, nous ne craignons pas, pour assouvir nos appétits, de recourir à la fraude, à la violence et au meurtre.

Cependant le Créateur, qui a choisi pour nous ce mode d’existence, avait ses vues. Le besoin de subsistance nous pousse à l’industrie et au travail : telle est notre seconde loi. Or, qu’est-ce qu’industrie et travail ? l’exercice, à la fois physique et intellectuel, d’un être composé de corps et d’esprit. Non-seulement le travail est nécessaire à la conservation de notre corps, il est indispensable au développement de notre esprit. Tout ce que nous possédons, tout ce que nous savons provient du travail ; toute science, tout art, de même que toute richesse, lui sont dus. La philoso-