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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/124

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portionné à son produit. Sans cet équilibre, vous restez dans la misère et votre industrie se change en calamité. Or, quand vous aurez tout fait, et par l’énergie de votre production, et par l’exactitude de votre répartition, pour vous rendre riches, vous serez étonnés de voir que vous n’avez réellement gagné que votre vie, et que vous n’auriez pas de quoi célébrer un carnaval de quinze jours.

Vous demandez si ce progrès industriel, toujours soumis à la loi du nécessaire, n’implique pas, avec la subsistance à fournir à une population plus nombreuse, une amélioration dans l’existence de l’individu ? Sans doute il y a amélioration de la vie individuelle : mais en quoi consiste-t-elle ? Du côté de l’esprit, dans le développement du savoir, de la justice et de l’idéal ; du côté de la chair, dans une consommation plus choisie, en rapport avec la culture donnée a l’esprit.

Le cheval mange son avoine, le bœuf son foin, le porc son gland, la poule ses menues graines. Ils ne changent pas de nourriture, et ne s’en trouvent nullement incommodés. J’ai vu le travailleur des champs faire chaque jour son repas du même pain noir, des mêmes pommes de terre, de la même polenta, sans paraître en souffrir : l’excès seul du travail le maigrissait. Mais l’ouvrier civilisé, celui qui a reçu le premier rayon du Verbe illuminateur, a besoin de varier sa nourriture. Il consomme du blé, du riz, du maïs, des légumes, de la viande, du poisson, des œufs, des fruits, du laitage ; il use quelquefois de vin, de bière, de cidre, d’hydromel, de thé, de café ; il sale ses aliments, les assaisonne, leur donne toutes sortes de préparations. Au lieu de se couvrir simplement d’une peau de mouton ou d’ours séchée au soleil, il porte des vêtements tissés de laine, chanvre ou coton ; il fait usage de linge et de flanelle, s’habille d’une façon en été et d’une autre en hiver. Son corps, non moins vigoureux, mais formé d’un sang