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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/129

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comme expression de notre science acquise et symbole de notre vertu. Devant cette réalité des choses la théorie sensualiste, convaincue de contradiction avec la destinée sociale, s’écroule à jamais.

Si nous vivions, comme l’Évangile le recommande, dans un esprit de pauvreté joyeuse, l’ordre le plus parfait régnerait sur la terre. Il n’y aurait ni vice ni crime ; par le travail, par la raison et la vertu, les hommes formeraient une société de sages ; ils jouiraient de toute la félicité dont leur nature est susceptible. Mais c’est ce qui ne saurait avoir lieu aujourd’hui, ce qui ne s’est vu dans aucun temps, et cela, par suite de la violation de nos deux grandes lois, la loi de pauvreté et la loi de tempérance.

Dès les premières pages de cet écrit, j’ai dit que la guerre était un phénomène tout intérieur, tout psychologique ; que si l’on voulait la connaître, il fallait l’étudier dans la conscience de l’humanité, non sur les champs de bataille, dans les récits des historiens et les mémoires des capitaines. Et j’ai prouvé mon assertion, d’abord en montrant que la guerre est une des principales catégories non-seulement de notre raison pratique mais même de notre raison spéculative ; puis en dégageant son principe, qui est le droit de la force ; en troisième lieu, en développant son caractère éminemment judiciaire.

Je vais faire voir à présent que tous les excès que nous lui avons reprochés proviennent de cette même source, l’âme, d’abord égarée à la poursuite d’un faux idéal, qui est la richesse, puis méconnaissant la justice en tant qu’elle s’applique aux choses du travail.de l’industrie et de l’échange, c’est-à-dire le Droit économique. A travers les scènes de carnage, d’incendie, de spoliation et de viol, nous ne sortons pas du domaine de l’esprit ; et tout ce que nous voyons, constatons, jugeons, bon ou mauvais, en fait de guerre, est toujours chose spirituelle. Les faits ne sont,