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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/133

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jouissait d’un revenu de 3 fr. 50 c. ; si du moins les minima et les maxima ne tombaient pas pour les familles pauvres, toujours en fort grand nombre, au-dessous de 1 fr. 75 c., moitié de 3 fr. 50 c., ou ne s’élevaient pas pour les riches, en nombre beaucoup plus petit, au delà de 15 ou 20 francs, chaque famille étant censée avoir produit ce qu’elle consommerait, il n’y aurait nulle part de malaise. La nation jouirait d’un bien-être inouï ; sa richesse, parfaitement ordonnée et distribuée, serait incomparable, et le gouvernement pourrait à bon droit se vanter de la prospérité toujours croissante du pays.

Mais il s’en faut que l’écart entre les fortunes soit aussi modéré ; il s’en faut, dis-je, que les familles les plus pauvres atteignent à un revenu de 1 fr. 75 c., et que les plus riches se contentent de recevoir dix fois autant. D’après les calculs récents d’un savant et consciencieux économiste, la majeure partie de la population bretonne n’a pas plus de vingt-cinq centimes à dépenser par jour et par tête ; et cette population, ajoute-t-il, n’est pas réputée indigente.

D’autre part on sait qu’un grand nombre de fortunes s’élèvent, non pas seulement à dix et quinze francs de revenu par jour et par famille, mais à cinquante, cent, deux cents, cinq cents, mille, on en cite qui iraient jusqu’à dix mille francs. Un fait à signaler, c’est que, depuis l’impulsion exorbitante donnée aux entreprises, certains entremetteurs, regardant apparemment notre fortune à tous comme assurée et voulant par avance se payer de leur initiative, ont commencé par s’adjuger qui un, qui deux, qui dix, qui vingt, trente, cinquante et quatre-vingts millions. Ce qui veut dire qu’en attendant les noces de Gamache qu’ils nous promettent à perpétuité, ils prélèvent sur le commun, provisoirement condamné au jeûne, depuis cent jusqu’à trois mille parts. Quant au pays, qui supporte sans rien dire cette préliba-