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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/142

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duisant presque tout par elles-mêmes et pour elles-mêmes, et n’entretenant que de faibles relations avec le dehors, le mal est moins intense. C’est surtout le gouvernement, sans numéraire et sans crédit ; ce sont les hautes classes, à qui la terre ne fournit qu’une faible rente, souvent payée en nature, qui souffrent de la débine. Là on peut dire que, quant aux masses, la sécurité de la vie et la garantie du nécessaire sont en raison de la médiocrité industrielle et commerciale de la nation.

Chez les nations, au contraire, où le travail est divisé et engrené, où l’agriculture elle-même est soumise au régime industriel, où toutes les fortunes sont solidaires les unes des autres, où le salaire du travailleur dépend de mille causes indépendantes de sa volonté, le moindre accident trouble ces rapports fragiles, et peut détruire en un instant la subsistance de millions d’hommes. On est épouvanté quand on songe à combien peu de chose tient la vie quotidienne des nations, et quelle multitude de causes tendent à la désorganiser. Alors on s’aperçoit qu’autant cette belle ordonnance promettait de servir le bien-être des masses, autant, au premier détraquement, elle peut engendrer de misère.

Mais, chose à noter, et qui confirme la vérité de toute cette théorie, dans cette chaîne de mécomptes qui pousse les nations au conflit, ce n’est pas le paupérisme des viles multitudes qui se montre le plus impatient. L’indigence des souverains passe en première ligne ; celle des grands et des riches vient après. Ici, comme en toute chose, la plèbe figure au dernier rang. Le pauvre, dans la détresse générale, n’a pas même les honneurs de la pauvreté.

Les riches, gros consommateurs, ressemblent, si l’on me permet cette comparaison, aux grands quadrupèdes, exposés par leur taille et leur puissance même, beaucoup plus que le lapin, l’écureuil, la souris, à mourir de faim. Plu-