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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/154

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made. En même temps que les peuples deviennent industrieux et travailleurs, la guerre devient la prérogative des gouvernements. Aux hommes d’État il appartient donc d’apprécier jusqu’à quel point la gêne générale est aggravée par la faute de l’étranger ; dans quelle circonstance le soin de la sûreté publique permet à une puissance de se prévaloir contre une autre de la rigueur du droit international et de faire appel au jugement de la force. Dans tous les cas, l’homme d’État devra se souvenir que sa responsabilité est d’autant plus grande que la guerre, quoi qu’il fasse, conserve toujours un côté odieux ; qu’elle a pour mobile le paupérisme et tous les vices qui l’accompagnent, la cupidité, le luxe, la soif de voluptés, toutes les corruptions et tous les crimes qu’engendre la sensualité aux prises avec la disette.

La détermination que nous venons de faire de la cause première de la guerre va nous placer sur un terrain nouveau, peu connu des anciens, celui de l’économie politique. Nous y ferons encore plus d’une découverte. Dès à présent il est aisé de prévoir, chose que ne soupçonnèrent pas les juristes de la vieille école, qu’en ce qui concerne la conduite de la guerre, les règles du droit, sublimes en théorie, seront de pauvres barrières pour des gens dont les uns convoitent une proie et les autres défendent leur propriété. Que peut être la guerre dans les formes entre des armées qui marchent sous l’étendard de la famine ?… Nous conclurons de là que, pour faire justice et dans la guerre et dans la paix, ce n’est plus assez de la connaissance philosophique et subjective du droit, il faut y joindre la connaissance pratique des lois de la production et de l’échange, sans laquelle l’application du droit reste arbitraire et la guerre inextinguible.