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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/156

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et de sa propre vie. L’histoire en particulier est pour lui lettre close.

Montrons d’abord que dans les commencements la cause première de la guerre et ses motifs politiques se confondent : nous saisirons mieux la raison qui à la longue fait distinguer ces derniers, et les conséquences à tirer de cette distinction.

Quand les pasteurs du désert se jetèrent sur l’Égypte, qu’ils gardèrent comme une métairie pendant plusieurs siècles, ils étaient poussés par une incurable famine : le souvenir en a été conservé dans la Genèse. Et quand, vers le temps de Sésostris, les Égyptiens, après avoir chassé ces pillards, s’indemnisèrent en rendant au loin les hordes tributaires, ils obéirent à la même cause. Croit-on maintenant que ces bandes faméliques manquassent les unes et les autres de motifs politiques ? — « Vous avez travaillé, pouvaient dire aux enfants d’Osiris les ancêtres des Bédouins ; vous avez aménagé le sol, creusé des canaux, construit des villes : c’est à merveille. Mais qui vous a donné la propriété ? Où sont vos titres ? Pourquoi à vous la vallée féconde, à nous le désert ? Quand vous nous payeriez une redevance, ce ne serait qu’une juste compensation… » Ce que les uns demandent, les autres le refusent : abstraction faite des injures réciproques, que nous ne connaissons plus, il n’y a pas d’autre raison aux combats. Chose singulière, la propriété, qui dans tout État est une des colonnes du droit civil, n’a jamais été complétement reconnue entre nations, et ne peut pas l’être. Guerre, fille de famine, engendre donc rapine ; aussi dans les commencements les héros n’en font pas mystère. Le brigandage, jusque bien avant dans l’époque historique, est la pure expression du droit de la guerre et jouit de ses honneurs, confondu qu’il est avec l’exercice du droit seigneurial, du droit de la force.