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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/160

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conscience qui couvre tous les excès. — « Je vous ai donné le pays de Canaan, dit Jéhovah aux Hébreux, et je l’ai ôté aux indigènes. Tuez-les tous ; c’est moi, Jéhovah votre Dieu, qui vous l’ordonne. » La perte de la nationalité, comme je l’ai dit ailleurs, emportait l’expropriation et la mort. C’était la loi de la faim sévissant dans toute son horreur. Le caractère commun de tous ces émigrants, qui, depuis les Hébreux jusqu’aux Mormons, mirent tant de fois la civilisation en péril, c’est, pour me servir du langage malthusien, que leurs facultés industrielles n’étaient pas en rapport avec leurs facultés génératrices, ce qui les plaçait dans la nécessité d’aller au loin chercher fortune ou de périr par la famine. Si l’on en croit la Genèse, les Hébreux, entrés en Égypte au nombre de soixante-dix personnes, formaient au bout de quatre cents ans une population de deux millions d’âmes. Telle était la multiplication de cette race, que les Égyptiens s’étaient vus dans la nécessité d’en faire jeter les nouveau-nés dans le Nil, comme on jette les petits chiens. Dans ces extrémités, naturellement on se décidait pour le pillage, pour la guerre ; quant au travail, on n’en était pas venu à ce degré d’indignité qui caractérise notre siècle, de se le disputer les armes à la main.

La rapine est tellement de l’essence de la guerre, qu’elle a servi à en exprimer l’idéal. Toutes les nations guerrières ont placé des animaux de proie dans leurs armoiries : l’aigle, le faucon, le hibou, le lion, le loup, le léopard. C’est surtout comme moyen de pillage que les poëtes et les livres sacrés des anciens peuples comprennent la guerre et la célèbrent. Écoutez le patriarche Jacob, prophétisant à son lit de mort la gloire future de Juda :


« Juda est un jeune lion. Tu es monté du désert, ô mon fils, pour le butin ; tu t’es reposé après le combat, comme