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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/161

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le lion et la lionne. Qui le provoquera ? Juda, tes frères te chanteront. Aucun d’eux ne se séparera de ton sceptre, jusqu’à ce qu’ait paru le Pacifique. »


Le Pacifique, c’est-à-dire, celui qui ne va pas au butin, Salomon. La royauté a pour condition la guerre et la conquête. Que le monarque cesse de combattre, il devient indigne : ses sujets lui demanderont des comptes ; ils lui ôteront son sceptre, Auferetur sceptrum de Judâ. Où est celui, diront-ils, qui nous menait à la victoire, qui nous gorgeait des dépouilles de l’ennemi, et ne laissait jamais rouiller nos épées ?… Jacob dit encore de Benjamin, son dernier fils :


« Benjamin est un loup ravisseur ; le matin, il déjeune de la proie de la veille ; le soir, il partage le butin de la journée. »


Ce qu’il importe de relever pour la parfaite intelligence de cette époque d’initiative belliqueuse, c’est que la guerre est aussi bien particulière que nationale : industrie permise à tous, sans privilége pour le prince, la ville ou l’État. Jusqu’au sixième ou cinquième siècle avant Jésus-Christ, la guerre ne se distingue réellement pas du vol à main armée, par surprise, embuscade ou bataille rangée. Le fort armé, dont parle l’Évangile, est une allusion à ces vieilles mœurs. La synonymie ou corrélation de guerre et brigandage est commune à toutes les langues anciennes : grand butineur, grand guerrier. Nemrod, que la Bible appelle un fort chasseur devant Jéhovah, était, comme Romulus, un chef de bandes. Les héros grecs sont aussi bien des entrepreneurs de piraterie que des chefs d’états. Un passage de l’Odyssée, cité par Grotius, témoigne que ces mythologiques personnages ne tenaient nullement à