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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/164

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tous les hommes, ce fut fait de la république ; Rome s’engloutit dans l’humanité.

Le peuple, cependant, ne l’avait pas ainsi entendu. La paix des Césars avait été pour lui le signal du partage, et comme une entrée en jouissance. L’idée que la cité rend les hommes égaux, il l’avait dès longtemps, et elle avait fait sa victoire contre le sénat. Mais l’idée que les nations faisant partie de l’Empire, ce qu’indiquait la fermeture du temple de Janus, il n’y avait plus à extorquer de tribut, cette idée, il ne s’y accoutumait pas. Néron, d’après Suétone, ayant appris qu’il y avait quelque mouvement dans les Gaules, ordonna de laisser faire. Il calculait que la répression s’étendant sur un plus grand nombre de villes lui rapporterait une plus grosse dépouille : Adeo lente ac secure tulit, ut gaudentis etiam suspicionem præberet, tanquam occasione nata spolia darum jure belli opulentissimarum provinciarum. Enfin nous avons relevé cet article honteux, et toujours eu vigueur, du code prétendu de la guerre, qui autorise les armées en campagne à fourrager sur les terres de l’ennemi, à exercer la maraude, et qui consacre au profit du vainqueur la spoliation, totale ou partielle, ad libitum, du vaincu. En faut-il davantage pour démontrer que ce que l’honnête Grotius et tous ses successeurs ont pris pour une conséquence naturelle de la guerre, en est au contraire la cause première, et, dans la pensée secrète des belligérants, le but et la fin ? Car enfin, comme l’observe fort à propos Aristote, on ne fait pas la guerre pour le plaisir de la faire. Le droit invoqué n’est jamais que l’argument d’un intérêt ; une guerre sans un mobile intéressé, pour le droit pur, guerre très-rationnelle, nous l’avons fait voir, serait en pratique, de la part de l’état qui l’entreprendrait, un non-sens. Quand la France dit qu’elle se bat pour des idées, ou l’on ne la croit pas, ou l’on se moque d’elle.