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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/180

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évolutions guerrières. Arrivons d’emblée à l’époque moderne, et pour bien comprendre la guerre de conquête, la grande guerre, plaçons-nous, par la pensée, au centre de l’un quelconque de ces grands États que le défaut d’équilibre économique oblige à demander sans cesse au dehors de quoi combler le gouffre béant du dedans.

Il faut à un État, dont la population augmente et que le paupérisme talonne, un accroissement de ressources, l’extension du territoire, des colonies, des communications, la possession, du moins l’usage libre des fleuves, des lacs et des cols de montagnes, des entrées dans la mer, des vues sur le monde, comme disait le fondateur de Pétersbourg, Pierre Ier.

Tout cela est d’abord à conquérir.

La conquête faite, il faut la défendre, en assurer l’exploitation, et contre les incursions du dehors et contre les révoltes du dedans : ce qui exige un déploiement continuel de forces, et ne fait que perpétuer et entretenir la guerre. Tout cela ne suffit point encore, disons la vérité comme elle est, cela ne suffit jamais. Il faut s’arrondir, occuper des points stratégiques, s’emparer des passages, poser des barrières, se défendre, chose étrange, non-seulement contre l’invasion des armées ennemies, mais aussi contre l’invasion, bien autrement redoutable, des produits de l’étranger. Qu’est-ce que la douane, sinon la guerre ? Et la cause de la douane, quelle est-elle, sinon la crainte de laisser, par l’agiotage des échanges, entamer son capital, la peur de l’hypothèque, en un mot le spectre de la faim ?

Ainsi se confirme notre proposition fondamentale, à savoir que la cause première des agitations et des guerres est endémique dans les sociétés, et que cette cause est le paupérisme. Nations et corporations, particuliers et gouvernements, plèbe et noblesse, prolétaire et prince, tout souffre de la gêne ; le déficit ne nous laisse pas une minute de re-