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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/208

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plutôt la connexité des idées et tout à la fois leur contradiction qu’il faut dénoncer. L’esprit est le vrai tentateur de la conscience et le premier instigateur du péché. C’est lui que la Genèse a représenté sous l’emblème du serpent, adressant la parole à Ève, l’épouse, c’est-à-dire la conscience de l’homme.

A qui appartient naturellement la richesse ? Au puissant, à celui qui, ayant la force, a le droit de revendiquer en conséquence l’honneur et la gloire. Le père de famille n’est-il pas le propriétaire de tout ce que possède son enfant ; le maître ne l’est-il pas aussi de ce que produit son domestique ou son esclave ? Le seigneur n’a-t-il pas droit sur l’industrie de son vassal, le propriétaire sur la récolte de son fermier ?… Si, dans tous ces cas, la force implique droit de propriété, comment n’en serait-il pas de même, à plus forte raison, à la guerre, où le droit de la force règne sans partage, réunissant en lui tous ces droits divers, droit du père sur l’enfant, du maître sur le serviteur, du souverain sur le sujet ; où la dépouille du vaincu est d’ailleurs la récompense du risque de guerre ?

Donc, d’après le droit de la guerre en vigueur, la propriété du pays conquis, propriété publique et propriété privée, propriété mobilière et propriété immobilière, appartient au vainqueur. La loi de la guerre, telle que l’ont faite le pédantisme et le préjugé, ne distingue rien. On dirait même à entendre tout ce vieux monde, que ce n’est qu’à l’aide de cette confusion que la guerre s’explique, qu’elle a un sens, un but, et, si l’on peut ainsi dire, une moralité. A cet égard, nous avons vu que l’opinion des anciens était unanime. Quant aux modernes, il est aisé de juger, par les entortillages des auteurs, que la modération du guerrier, en ce qui touche la propriété privée en pays ennemi, est affaire de prudence, tout au plus de charité chrétienne. Dans la rigueur il peut tout prendre, puisqu’il peut tou-