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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/209

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jours alléguer soit le motif d’indemnité, soit la nécessité où il est de se nourrir et de priver l’ennemi de ses ressources. Laisser au vaincu sa richesse intacte, ce serait ne pas savoir profiter de la victoire, point essentiel de l’art de vaincre ; ce serait à la défaite du vaincu ajouter celle du vainqueur, ce qui serait absurde. La spoliation est la sanction de la défaite : une armée qui triomphe les mains vides est suicide.

Ainsi parle la tradition, et il faut avouer que si, au point de vue du vrai droit de la guerre et du vrai droit des gens, cette tradition est dans une complète erreur, puisque la guerre n’est à autre Un que de réunir ou de séparer les États ; au point de vue de la cause première qui amène la guerre, et qui est le paupérisme, au point de vue même du droit de la force, le seul reconnu dans l’origine, le seul dont pendant bien longtemps la guerre consente à faire état, il est difficile de nier qu’elle raisonne juste. L’erreur consiste en ce que, par le cours des choses et par le fait même de la guerre, de nouveaux droits se sont développés sur ce tronc primitif du droit de la force, et que le guerrier, qui s’imagine qu’à chaque bataille tout est remis en question, ne se préoccupe point de ces droits ; il ne tient pas compte du temps écoulé. On peut dire de lui que, non-seulement il ne marche pas avec son siècle ; il ne marche pas même avec la guerre. Le pillage reste ainsi l’accessoire de la conquête : quelques mots encore sur ce sujet nous feront voir combien ces deux choses, qui pour toute conscience éclairée s’excluent, se tiennent intimement.

Si la guerre était un duel entre diplomates et généraux, sans doute on pourrait y introduire, sur la question qui nous occupe, une réforme. Mais c’est une lutte des masses, et les masses n’ont rien de chevaleresque. L’honneur est l’âme de la chevalerie, le pillage est l’âme de la guerre : c’est là surtout ce qui la rend populaire. Sans cet