Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/214

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phénomènes les plus curieux qui sortirent de la confusion où la barbarie et le christianisme, se mariant ensemble et se jetant sur l’empire, avaient fait tomber le monde. Elle ne disparut de la scène qu’à la guerre de Trente ans, après l’extermination des bandes de Tilly et de Wallenstein par Gustave-Adolphe.

A partir de François Ier, la noblesse, entraînée par les goûts de luxe, devient de plus en plus nécessiteuse ; sous Louis XIV, elle ne subsiste plus que des largesses du monarque. Sa bassesse, ses turpitudes égalent sa cupidité. C’est à l’influence de cette race de traîne-rapières qu’il faut attribuer le caractère bataillard qui est devenu, depuis le dix-septième siècle, un des traits du peuple français. Le roi ne pouvant toujours donner, la guerre fournissait un supplément. La rivalité de Louvois et de son frère Letellier contre Colbert et son fils Seignelay, rivalité qui exprime si bien l’opposition entre la noblesse orgueilleuse et affamée et la bourgeoisie enrichie par le travail, fut cause, selon l’abbé de Saint-Pierre, de la guerre de Hollande de 167I à 1678, et du bombardement de Gènes, les deux actes qui firent le plus détester à l’Europe la puissance de Louis XIV. Si le roi fait la guerre pour arrondir ses États, les nobles la font pour s’enrichir aux dépens de l’ennemi. Villars, le héros de Denain, bon homme au fond, fait naïvement confidence à Louis XIV, dans ses lettres, de la part qu’il s’adjuge dans les contributions de guerre dont il frappe les villes, ce qui ne l’empêche pas de demander sans cesse au roi de nouvelles gratifications.

Il faut arriver jusqu’à la révolution française pour découvrir dans nos mœurs militaires un commencement de réforme. Le peuple français, chez qui la vanité tient plus de place que l’avarice, tend bien moins, on le sait, à dévorer l’ennemi qu’à le faire à son image : c’est par cet esprit d’assimilation que la France est devenue si parfaitement