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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/213

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venue. L’époque triomphante du christianisme est cette partie du moyen âge qui de Charles Martel s’étend jusqu’à saint Louis, époque d’anarchie et de misère, que l’on a comparée à la tyrannie féodale des Doriens, et qu’on pourrait définir la réciprocité du brigandage. Les évêques eux-mêmes exercent le droit seigneurial, et ce ne sont pas les moins impitoyables. Or, qu’est-ce que ce droit seigneurial, conservé en partie jusqu’à la révolution ? Le droit de rapine, exercé comme extension du droit de conquête, et déclaré droit divin par une Église devenue aussi barbare qu’elle s’était montrée d’abord réformatrice et démocrate. Ruinés malgré leurs brigandages et forcés de vendre leurs terres, les nobles s’enrôlent pour la croisade, sans doute afin de reconquérir sur les infidèles la Terre sainte, héritage du Christ, et par ce moyen d’obtenir le pardon de leurs péchés ; mais aussi, mais surtout dans l’espoir de refaire leur fortune, ce que la religion du Christ n’interdit pas plus à ses chevaliers que celle de Mahomet à ses cheiks, et ce qui arriva en effet à quelques-uns.

Au quatorzième siècle, la guerre devient une franc-maçonnerie de pillards. Les grandes compagnies mettent la France à rançon. Duguesclin ne parvient à en débarrasser le royaume qu’en se mettant à leur tête et les conduisant, d’abord sur les terres de la papauté avignonaise à laquelle il impose une contribution, puis en Espagne, où il entreprend de détrôner le roi légitime don Pedro, dit le Sévère, au profit de Henri de Transtamare, son frère naturel. Les condottieri révolutionnent l’Italie, chassent les seigneurs qui ne peuvent plus les payer, mettent les villes à l’encan, ce qui montre le peu de cas qu’ils faisaient de la conquête, et combien ils lui préféraient le butin. : ce n’est que faute d’acheteurs qu’ils se décident à se faire eux-mêmes souverains. Cette institution étrange d’armées sans patrie, sans chefs politiques, sans intérêts de nationalité, est un des