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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/216

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Mais quelle est donc la ville qui ne préférât payer une forte contribution, plutôt que de supporter trois journées de pillage ?

« Nos soldats, dit M. Thiers, à propos du siége de Tarragone, cédant au sentiment commun à toutes les troupes qui ont pris une ville d’assaut, considéraient Tarragone comme leur propriété. »

Voilà la nature prise sur le fait. Guerre c’est pillage, pense le soldat en son for intérieur. Que lui parlez-vous de politique et de droit des gens ? Dans l’état où l’a mis la bataille, il est incapable de vous comprendre. C’est en vain que le chef le plus brave, le plus obéi, lui crie : Ne pillez pas, je vous donnerai plus que vous n’auriez pris. Non, sire, le pillage !… Il y a dans ce mot quelque chose qui va mieux à l’orgueil du guerrier, qui captive bien autrement son imagination ; le dirai-je ? quelque chose qui lui semble plus en rapport avec sa conscience. Le guerrier ne vend pas sa vie pour de l’or ; il la joue bravement contre la vie de l’ennemi : le butin n’est que le monument de sa victoire, un trophée. Deux heures de pillage ! voilà le vrai triomphe, et le moins qu’un général puisse accorder à ses soldats à la suite d’un assaut.

Où en sommes-nous maintenant ? Avons-nous fait, depuis Napoléon, quelques progrès ? En 1830, nous avons conquis l’Algérie. La fréquentation des Arabes était une mauvaise école pour nos militaires. L’histoire des boudjous du général Bugeaud, un général désintéressé pour lui-même, comme l’était Bonaparte, est présente à tous les souvenirs. Le procès Doineau est venu dans ces dernières années affliger encore l’opinion. Sera-t-il dit que la conquête française, portant la civilisation aux Bédouins, aux Touariks, aux Nègres du Soudan, leur aura donné pour première leçon le pillage ?