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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/217

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Grâce au ciel, la Crimée, pays désert, la Lombardie, pays ami, ont été pour nos soldats une école de tempérance. Mais qui oserait se flatter qu’à la première occasion ils ne se dédommageront pas, quand on voit, en 1860, un éminent jurisconsulte, avocat à la cour de cassation et au conseil d’état, M. Hautefeuille, défendre les lettres de marque et le droit de prise, comme essentiels au droit de la guerre ? — Ne pillez pas, disait Napoléon. M. Hautefeuille, au contraire : Faites la course, faites la pille ; c’est votre droit, et comme soldats, représentants des intérêts de votre pays, et comme simples particuliers, représentants de vos propres intérêts.

D’après les principes qui régissent l’armement en course, aussitôt que deux nations sont en guerre, la piraterie, organisée par de simples particuliers et autorisée par les gouvernements, recommence entre elles, comme autrefois entre Athènes et Sparte. C’est la branche la plus lucrative du métier, celle qui agrée surtout aux marins. La course, disent les légistes, est un moyen de réduire l’ennemi plus promptement. Sans doute ; mais on peut en dire autant de la saisie des propriétés par les armées de terre. Pourquoi donc ce qui est permis au soldat de marine et à l’armateur ne le serait-il pas au soldat de terre et aux corps francs ? Pourquoi la guerre serait-elle aux uns tout profit, aux autres tout sacrifice ?

« La guerre est la guerre, disait à propos du livre de M. Hautefeuille le Journal des Débats. Il faut la prendre pour ce qu’elle est. On ne l’empêchera jamais de nuire aux fortunes particulières, pas plus qu’à celles de l’état. Il ne serait pas même bon qu’il en fût autrement, car, le jour où les intérêts de l’État sont devenus distincts de ceux des individus, la nation est bien près de sa ruine. »

Aussi légèrement raisonné que légèrement écrit. A ce