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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/220

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quelque chose ; nous supposons les jours d’Austerlitz et de Friedland revenus. Le continent est affaissé sous les armes de la France : il ne reste devant elle qu’un champion, c’est l’Angleterre. Des deux côtés du détroit les journaux prêchent la guerre à outrance et la nécessité d’en finir. Les cœurs s’exaltent aux récits semi-légendaires de la guerre de Cent ans ; chacune des deux nations rappelle ses victoires, ses conquêtes et ses hauts faits. Les Anglais célèbrent les journées de l’Écluse, de Crécy, de Poitiers, d’Azincourt ; ils se souviennent d’avoir possédé Dunkerque, Calais, Boulogne, le Havre, Bordeaux. Un jour, un de leurs rois fut roi de France, et peu s’en fallut que les pays de langue d’oc et de langue d’oïl ne devinssent de langue d’yes. Tandis que la terre britannique est restée vierge des invasions des Français, et n’a jamais reçu la visite que de leurs touristes… le peuple anglais se vante d’avoir, dans ses guerres avec la France, toujours gagné la belle ; une seule fois la France a eu le dessus, mais elle combattait contre l’Angleterre en compagnie de soldats de race anglaise, dans la guerre d’Amérique. C’est l’Angleterre qui a brisé l’orgueil du grand roi dans la guerre de la succession d’Espagne ; c’est l’Angleterre qui a terrassé le grand empereur. Qu’est-ce que la défaite si promptement réparée de Fontenoy, auprès de tant de victoires, dont le résultat a été par deux fois de délivrer l’Europe de l’insolence française, et d’assurer à la Grande-Bretagne l’empire des mers ?…

Ces diatribes, rapportées de ce côté-ci de la Manche, exaspèrent le peuple français. Si quelque chose en France peut réunir en un même sentiment les partis qui la divisent, c’est une guerre contre l’Angleterre. Les légitimistes reprochent au gouvernement anglais d’avoir conspiré le renversement des Bourbons ; les orléanistes, d’avoir préparé la chute de Louis-Philippe ; les républicains, d’avoir