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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/235

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après avoir cherché pâture à l’étranger, mais forcée par le progrès de la civilisation de renoncer à l’étranger, elle va se rejeter sur ses propres nationaux ; comme Saturne, elle dévorera ses enfants, et c’est afin d’augmenter le nombre de ses victimes et d’éloigner son suicide, qu’elle continue de chercher des conquêtes.

La guerre, en autres termes, tend à esquiver le libéralisme qui la poursuit en se réfugiant dans le gouvernementalisme, autrement dit système d’exploitation, d’administration, de commerce, de fabrication, d’enseignement, etc., par l’État. Donc, on ne pillera plus, c’est ignoble ; on ne frappera plus de contributions de guerre, on ne confisquera pas les propriétés, on renoncera à la course, on laissera à chaque ville ses monuments et ses chefs-d’œuvre, on distribuera même des secours, on fournira des capitaux, on accordera des subventions aux provinces annexées. Mais on gouvernera, on exploitera, on administrera, etc., militairement : tout le secret est là.

Un État peut se comparer à une compagnie en nom collectif ou anonyme, dans laquelle il y a d’immenses capitaux à manier, de grandes affaires à traiter, de gros profits à faire ; par conséquent, pour les fondateurs, directeurs, administrateurs, inspecteurs et tous autres fonctionnaires, des gratifications à espérer, plus de magnifiques traitements. Les services sont organisés, hiérarchisés en conséquence, selon l’ordre de mérite et d’après les états de service des sujets. Plus l’État prend d’extension, plus le pouvoir a de fonds en maniement ; mais plus il manie d’argent, plus naturellement il en reste à son personnel et à toutes ses créatures.

La cause première de la guerre, à savoir le paupérisme, continuant d’agir, agissant même par en haut avec plus, d’intensité encore que par en bas, il y a donc toujours militarisme au dedans et tendance à la conquête au dehors ;