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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/234

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monarque ou magistrat, héréditaire ou élu, c’est-à-dire sans la guerre faite homme et portant l’épée ?

La situation est pressante, et l’on se demande comment la guerre saura y échapper, et ce que la société, si la guerre succombe à cette épreuve, deviendra sans elle.

C’est ici que nous allons voir la guerre, poursuivie, si l’on me permet cette métaphore toute militaire, dans son dernier retranchement, faire éclater sa contradiction et se montrer dans sa laideur.

Il en est des idées et des institutions comme des villes et des États : elles se défendent jusqu’à extinction. La guerre, je parle d’elle comme je ferais d’une personne vivante, défendant son existence menacée, la guerre ne veut pas s’en aller ; elle ne veut pas mourir. Elle a dès longtemps prévu l’objection qui lui serait faite ; tacticienne prévoyante, elle s’est ménagé une retraite, un passage dérobé, où nous allons la suivre.

La cause première de la guerre, avons-nous dit, est le paupérisme, en autres termes, la rupture de l’équilibre économique. Son but secret, mais réel, est de subvenir au déficit par la conquête, autrefois, et moins cérémonieusement, par la confiscation, le tribut, le pillage. Supprimez la cause première de la guerre, elle n’existe pas. Interdisez-lui le but que cette cause lui assigne, elle n’a plus de raison d’être. Or, comme le paupérisme ne semble pas pouvoir jusqu’ici être éteint, que la guerre n’a pas reçu cette mission ; comme par conséquent l’antagonisme parait inhérent à l’humanité, la guerre ne peut pas être éliminée, et puisqu’elle existe, il faut qu’elle consomme. Que fera-t-elle donc, si d’un côté elle est obligée par sa propre loi de traiter sa conquête comme son propre État, de l’administrer en bonne mère de famille ; si d’autre part le point d’honneur lui interdit le pillage ?

La guerre ne peut mentir à sa cause. Fille de famine,