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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/239

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talent de nourrir la guerre par la guerre, fut forcé d’établir, que nous payons depuis plus de cinquante ans, que nous payerons, si le système ne change, dans les siècles des siècles, et nous arrivons à ce singulier résultat que la guerre se réduit, en dernière analyse, a donner ses citoyens en pâture à ses soldats.

Eh bien, c’est en présence de ces faits, des conséquences qu’ils traînent à leur suite et des idées sans nombre qu’ils font jaillir, que je reprends l’hypothèse développée au chapitre précédent, touchant une guerre entre la France et l’Angleterre.

La guerre, ayant sa cause dans l’anarchie économique, que toutes les nations civilisées s’accordent à admettre, sous le nom de liberté du commerce et de l’industrie, comme une vérité scientifique, peut être regardée comme indestructible. La preuve, c’est que l’Europe, qui depuis quarante-six ans est entrée dans l’ère de la paix armée, au lieu de tendre à la paix désarmée, arme tous les jours davantage.

La conquête, dans les conditions où elle s’accomplit de nos jours, ne rapporte rien au conquérant ; loin de là, elle ne sert qu’à faire croître les frais d’État en proportion toujours plus rapide que le revenu. Ajoutez que les motifs de la guerre, après s’être constamment renfermés dans la sphère de la politique, tendent, par l’effet du scepticisme politique et du désillusionnement général, à s’accuser comme motifs économiques et conséquemment à s’identifier avec la cause première.

Admettant donc l’hypothèse d’une guerre à outrance entre la France et l’Angleterre, et attendu, d’un côté, qu’une pareille guerre ne pourrait se résoudre en une incorporation, parce que la nature des choses y est contraire ; d’autre part qu’elle aurait pour motif avoué, ici de vaincre la prééminence qu’assure à l’Angleterre son industrie,