Aller au contenu

Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/252

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment de la force, la guerre est sublime ; elle tient le milieu entre la justice dont elle est une forme, et la religion dont elle a la poésie et l’enthousiasme. Ramenée à sa cause première, il n’est pas d’iniquité dont elle ne soit souillée : semblable de visage à l’archange, elle porte écrit sur son bouclier le nom de Dieu ; elle a les pieds et la queue du dragon.

On dit qu’une réforme, si elle ne parvenait à extirper cette cause odieuse, en ferait du moins disparaître l’influence, ce qui suffit à un exercice régulier de la force ; qu’il dépend des nations de s’interdire, d’un commun accord, toute extorsion arbitraire, toute maraude, toute pillerie ; de limiter leur droit éventuel de conquête à l’incorporation politique et à l’acquittement de justes indemnités. Qu’y a-t-il en tout cela de difficile ?

Des indemnités ! Ce mot nous révèle l’indignité native de la guerre et la contradiction fatale à laquelle elle aboutit.

Aux termes du droit guerrier, tel que nous l’avons déduit de son principe qui est le droit de la force, et de son objet qui est l’évolution des états ; tel même que le présentent les auteurs qui tous, à la suite de Vattel, enseignent que la guerre doit être censée juste de part et d’autre : il n’est dû, par la puissance qui succombe, aucune indemnité. Elle avait le droit de se défendre ; ce n’était d’ailleurs que par la victoire que le droit du plus fort pouvait être établi : chaque partie devant en conséquence faire ses frais, il ne peut être dû de ce chef une obole par le vaincu.

L’analogie de la justice ordinaire le démontre. De quoi se composent, dans les affaires civiles, commerciales ou criminelles, les frais de procès ? Des appointements du juge, des dépenses d’audience et des honoraires d’avocats. D’abord, chaque partie paye son conseil ; il n’y a que les émoluments dus au magistrat et les dépenses d’audience