Aller au contenu

Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/253

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui soient imputées au perdant. Et pourquoi cette imputation ? Parce que nul n’est censé ignorer la loi ; que celui qui perd sa cause est censé avoir plaidé contre la loi ; qu’en conséquence, comme il devait s’abstenir de plaider, il doit être maintenant condamné à payer.

Mais à la guerre il n’y a pas d’autre juge que la force, pas d’autre tribunal que le champ de bataille : les frais de guerre rentrent dans la catégorie de ceux que les plaideurs font chacun pour sa propre défense, consultations d’avocats, mémoires, expertises, exploits d’huissier, extraits des minutes, etc. D’autre part, le plus fort ne peut être connu que par la victoire : jusqu’à pleine et entière défaite le vaincu reste dans son droit ; en combattant il ne manque pas au droit de la guerre, il y obéit. Il ne peut donc y avoir de ce côté, pour le vainqueur, motif de réclamer une indemnité ; son indemnité, c’est sa conquête. Pour qu’il y eût lieu à indemnité entre puissances belligérantes, il faudrait que l’une des deux eût contrevenu aux lois de la guerre ; mais alors il se pourrait que les indemnités fussent dues par le vainqueur lui-même, ce qui, comme l’on voit, change complètement la question.

En fait, si la prétention du vainqueur à être remboursé de ses frais de guerre pouvait être admise, la spoliation n’aurait fait que changer de nom, elle s’appellerait indemnité. Le compte monterait si haut qu’il faudrait renoncer à être payé, ou prendre le parti indiqué au chapitre X du livre précédent, c’est-à-dire exproprier le pays ennemi de toutes ses richesses mobilières et immobilières, et réduire la population en servitude. Napoléon Ier, qui s’entendait si bien à nourrir la guerre par la guerre ; qui en cinq ans tira de l’ennemi, à ce que l’on assure, au delà d’un milliard sept cents millions, était toujours à court d’argent, obligé d’augmenter son budget, ainsi qu’on le voit par sa correspondance avec son frère Joseph. Et pourtant, sur ces dix--