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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/271

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que ce démocratisme, introduit dans le domaine religieux, en est la ruine. La foi est individuelle en tant qu’elle est un acte de la conscience ; en tant que dogme elle est d’autorité. Qui décidera entre Luther et le Pape ?… Pendant qu’on discute, le libre examen fait des progrès si rapides qu’au bout de quelques années il n’est plus possible de le réprimer par les moyens ordinaires de l’inquisition. La guerre seule peut décider, en dehors de la question du dogme qui n’est pas de sa compétence, si les hérétiques obtiendront l’exercice de leur culte au sein d’une société naguère tout orthodoxe. Plus que jamais la religion, d’accord avec la justice et la guerre, prescrit donc aux deux partis d’éviter dans leurs rencontres tout ce qui pourrait donner à la lutte une apparence de péché. Le sens commun indique même que l’armée qui se montrera la plus magnanime, la moins possédée de l’esprit irascible et concupiscible, pourra se regarder comme le représentant de la vérité.

Or, consultez l’histoire : est-ce ainsi que se sont faites les guerres de religion ? Non, et la raison est facile à deviner. Le spirituel est indissolublement lié au temporel, qu’il traduit à sa manière. A l’institution religieuse correspond l’institution politique et sociale ; plus l’autorité tient de place dans la première, plus elle en tiendra dans la seconde. Ceci posé, on voit de suite pourquoi une population tend à changer de religion. C’est qu’à tort ou à raison elle juge que l’ancienne foi favorise trop ou ne réprime pas suffisamment l’inégalité ; c’est qu’elle accuse l’Église de complicité dans l’exploitation des peuples. Le motif d’intérêt qui détermine l’hérésie soulèvera donc à leur tour les conservateurs orthodoxes, menacés dans leurs priviléges et leurs intérêts matériels. Inutile de rappeler les guerres des Albigeois, des Vaudois, des Hussites, des Anabaptistes et autres ; la vente des biens du clergé, le pillage des églises