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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/270

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Grecs étaient fort capables de le comprendre ; ils n’auraient eu besoin pour cela que de développer leur tradition héroïque. Le contraire eut lieu.

La guerre qui s’engagea entre les Grecs pour l’unité nationale, autrement dite la guerre du Péloponèse, fut cent fois plus atroce, plus hideuse, que celle qu’ils avaient faite aux Perses. Jamais la rapine, l’ambition et la haine n’avaient enfanté pareils forfaits. L’intérêt fédéral ne fut pas même mis en avant ; pour Athènes et Sparte, le but avoué de la guerre était de réduire toutes les villes grecques à la condition de tributaires, de disposer souverainement des forces de la nation, et de s’en servir, comme les Romains se servirent plus tard des forces de l’Italie, pour conquérir, pour piller et dévorer le monde. Chose singulière ! La parenté, qui semblerait devoir adoucir la guerre, est précisément ce qui en redouble l’horreur. Les haines de frères sont des haines cordiales ; les guerres, entre peuples de même sang et de même langue, pour l’agglomération politique, sont les pires de toutes. Et c’est toujours la même cause qui envenime la lutte, l’ignominie du mobile, sur lequel entre rivaux on ne se trompe pas.


Guerres de religion. — S’il est un cas où la guerre ait dû se dégager de toute pensée cupide, s’abstenir de tout outrage, c’est bien certainement celui-ci. Qui combat pour la cause de Dieu ne doit se permettre rien de ce que Dieu et la justice réprouvent. Eh bien, voyons.

Un homme traduit en langue vulgaire les livres sacrés, et prétend que chaque fidèle a le droit, non-seulement de les lire, mais de les interpréter selon la lumière qui lui est donnée. C’est le principe du libre examen qui, sous une formule théologique, se glisse dans la religion. Pour soutenir cette nouveauté, les raisons et les autorités ne manquent pas. Mais l’Église, unitaire et souveraine, soutient