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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/309

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de la guerre s’en va, de même que celle de la royauté et de la noblesse ; c’est que la raison des intérêts domine de plus en plus la raison d’État ; c’est que le travail, autrefois réputé une malédiction, est maintenant glorifié à l’égal de la vertu. Le travail, jadis œuvre servile, règne actuellement sous le nom de suffrage universel ; un jour il gouvernera. Déjà il a commencé de prendre possession du pouvoir sous le titre de gouvernement représentatif ; la moitié du chemin est faite. Nous ne savons pas, je le répète, ce qui arrivera quand le désarmement universel aura été opéré ; ce qui est sûr, c’est que la guerre a trouvé son successeur.

c) L’importance des questions politiques, observe-t-on, grandit avec celle des questions économiques ; il est donc impossible que les intérêts parviennent à subalterniser le gouvernement. — Erreur : l’augmentation d’influence qu’on est forcé de reconnaître au travail est aux dépens de la raison d’État ; cette influence marche plus vite que l’idée gouvernementale, à laquelle le travail fait un échec décisif par les entraves qu’il apporte à la guerre. La période historique de 1814 à 1860 le démontre. Que cette influence industrielle ne se ralentisse pas, nous touchons au désarmement. Or, sans la guerre, à quoi se réduit la politique ?

d) On insiste : Un changement aussi profond, aussi subit dans les mœurs de l’humanité ne s’est jamais vu, ne se comprend pas ; une tradition de tant de siècles ne s’interrompt pas tout à coup. — Mais qui donc prétend que le phénomène doive se passer de la sorte ? La révolution de la paix date elle-même de vingt-cinq siècles. Elle a commencé avec les fameuses monarchies de Daniel ; elle n’a cessé depuis de s’élaborer par les conquêtes d’Alexandre, par l’empire romain et par la catholicité chrétienne. Les traités de Westphalie et de Vienne sont ses deux dernières étapes. La guerre et la paix engrènent l’une avec l’autre ;