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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/329

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démocratie ont prouvé que les mots étaient tout pour eux, les idées rien. Ils ont prêté à rire, sinon à rougir, au gouvernement qu’ils adulaient.

C’est une mode en France, une sorte de lieu commun auquel se laissent aller les esprits les plus distingués et les meilleures plumes, de prétendre que les traités de 1815 ont cessé d’exister. J’avoue, quant à moi, que je vois tout le contraire. Les traités de 1815 me paraissent plus solides que jamais : en nier l’existence et l’autorité me semble presque aussi ridicule que de nier l’existence et l’autorité de la révolution.

Il faut distinguer dans les traités de 1815, comme dans tous les traités amenés par de longues guerres, deux choses : 1° l’idée fondamentale, générique, donnée par les événements, partant indestructible, et qui fait la substance exprimée ou sous-entendue des traités ; 2° l’application, plus ou moins arbitraire, par conséquent toujours susceptible de révision, de cette idée.

L’idée des traités de 1815, c’est, d’abord, l’équilibre entre les puissances, tel que toute suprématie politique, tout protectorat, conséquemment toute guerre d’ambition et de conquête, soient rendus impossibles ; en second lieu, et comme garantie de cet équilibre, l’établissement dans tous les États du régime constitutionnel. Voilà, en dépit de toutes les accusations comme de toutes les réticences, ce qu’il y a au fond des traités de 1815 ; ce que la coalition des peuples soulevés en 1813 contre Napoléon, d’une part, et la tradition de 89, de l’autre, ont exigé qu’il y eût. Considérés dans leur pensée fondamentale, les traités de 1815 n’ont fait que continuer et développer la pensée de 89 ; ils ont servi la civilisation plus que n’aurait fait la suzeraineté impériale affectée par Napoléon. Par ces traités la France de 89 peut se vanter d’avoir été définitivement victorieuse. — Quant à l’application, il est certain qu’elle