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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/333

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à un moindre degré. Est-ce le gouvernement représentatif ? Nous y avons renoncé, au moins en partie, volontairement. Est-ce la philosophie ? L’Allemagne en sait là-dessus plus que nous. Est-ce le libre échange ? Nous avons pris pour maîtres nos rivaux, les Anglais. Est-ce le droit de l’homme ? Le tzar Alexandre ne nous a pas attendus pour émanciper ses vingt millions de serfs. Depuis le décret d’émancipation il règne un accord formidable en Russie… Est-ce la nationalité, enfin ?

On fait grand bruit de ce prétendu principe, que ni le droit de la guerre ni le droit des gens jamais ne reconnurent ; qui eût arrêté court la civilisation, s’il avait été reconnu ; qui n’a plus même aujourd’hui de raison de se faire reconnaître, puisque la nationalité est plus que jamais indéfinissable ; qui dans tous les cas ne pourrait obtenir un semblant d’application que par la dissolution préalable des grands États, l’abolition du régime militaire, et la subordination du droit politique au droit économique.

Qu’est-ce d’abord que la nationalité, en présence de ces abdications populaires, de ces incorporations, de ces fédérations, de ces fusions, balancées par ces constitutions, ces distributions de pouvoir, ces lois d’équilibre, ces décentralisations, ces affranchissements ? Qu’est-ce que la nationalité, en présence de ces réformes douanières, de cette pénétration mutuelle des peuples, de ces anastomoses, de ces mélanges de races, de cette similitude, pour ne pas dire de cette identité croissante des lois, des droits, des mœurs, des garanties, de l’industrie, des poids et mesures, des monnaies ? N’est-il pas évident que si la politique remet sur le tapis cette vieille question des nationalités, de tout temps niée par la loi du progrès autant que par le droit de la force, abolie un instant par l’empire romain et par le christianisme, c’est que la politique n’a véritablement plus rien à dire ; c’est que les nationalités, broyées pen-