Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cupée, par ses préceptes comme par ses actes, qu’à dérouter notre raison ?

Quel est cet ordre du salut, qui n’a rien de commun avec l’ordre du siècle ; ce spirituel qui annule tout autre intérêt, cette contemplation qui avilit tout idéal, cette prétendue science inspirée contre toute science ? Que nous veulent-ils, avec leurs dogmes sans base intelligible, avec leurs symboles sans objet positif, avec leurs rites dépourvus de signification humaine ? Ou le catholicisme est l’allégorie de la société, ou il n’est rien. Or, le temps est venu où l’allégorie doit faire place à la réalité, où la théologie est impiété et la foi sacrilége. Un Dieu qui gouverne et qui ne s’explique pas, est un Dieu que je nie, que je hais par dessus toute chose…

Croyez-vous, quand je lui adresse cette question :

« D’où vient, ô mon Dieu, que la société est divisée en fractions ennemies, intolérantes, obstinées chacune dans son erreur, implacables dans leurs vengeances ? Où est la nécessité pour la marche du monde et le progrès de la civilisation, que les hommes se détestent et se déchirent ? Quelle Destinée, quel Satan a voulu, pour l’ordre des cités et le perfectionnement des individus, qu’ils ne pussent penser, agir librement les uns à côté des autres, s’aimer au besoin, et, en tous cas, se laisser tranquilles ? »

Et que ce Dieu, par la bouche de ses ministres, me fait entendre cette parole impie :

« Homme ! ne vois-tu pas que ta race est déchue, et ton âme livrée depuis la création aux puissances infernales ? La justice et la paix ne sont pas du lieu que tu habites. Le Souverain Arbitre, en expiation de l’originelle souillure, a livré les humains à leurs propres querelles. Le vase a-t-il le droit de dire au potier : pourquoi m’as-tu fait ainsi ? »

Croyez-vous, dis-je, que mon cœur se résigne et que ma raison se tienne pour satisfaite ?