Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/29

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Respectons, si vous voulez, le secret de Dieu ; inclinons notre volonté devant ses indiscutables arrêts. Mais puisqu’il a livré le monde et nous-mêmes à notre curiosité entreprenante, il permet sans doute que nous disputions même de l’origine et de la cause de nos disputes, dût cette controverse nous rendre un jour aussi savants que lui. Disputons donc ; et plût à l’Être sans fond et sans fin que nous n’eussions jamais fait autre chose ! L’homme serait depuis longtemps le maître de la terre, et nous, démocrates-socialistes, nous n’eussions pas, du 24 février 1848 au 13 juin 1849, abandonné sans cesse la proie pour l’ombre.

Pour moi, je ne recule devant aucune investigation. Et si le Révélateur suprême se refuse à m’instruire, je m’instruirai moi-même ; je descendrai au plus profond de mon âme ; je mangerai, comme mon père, le fruit sacré de la science ; et quand d’infortune je me tromperais, j’aurais du moins le mérite de mon audace, tandis que Lui n’aurait pas l’excuse de son silence.

Abandonné à mes propres lumières, je cherche à me reconnaître sur ce terrain hérissé de la politique et de l’histoire ; et voici ce qu’à première vue je crois d’abord comprendre.


La Société, comme le Temps, se présente à l’esprit sous deux dimensions, le passé et l’avenir. — Le présent est la ligne imaginaire qui les sépare l’un de l’autre, comme l’équateur divise le globe en deux hémisphères.

Le passé et l’avenir, voilà les deux pôles du courant humanitaire : le premier, générateur du second ; le second, complément logique et nécessaire du premier.

Embrassons par la pensée, dans une même contemplation, les deux dimensions de l’histoire ; le tout ensemble formera le Système social, complet, sans solution de continuité, identique à lui-même dans toutes ses parties, et dans lequel