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La bourgeoisie ne savait pas en 1830, elle ne sait pas encore en 1849, ce qu’elle poursuivait à travers sa Charte réformée et son gouvernement représentatif : elle savait seulement, et très bien, ce dont elle ne voulait pas.

La bourgeoisie ne voulait pas d’une monarchie légitime, issue d’un autre principe que sa volonté : cette monarchie, elle venait de l’exclure par un coup d’État.

Elle se souciait peu d’une République classique ou romantique, à la mode des Grecs et des Romains, ou telle encore qu’on voulut la faire après février.

Elle n’aimait pas les jésuites, entendant par jésuites aussi bien les gallicans que les ultramontains. Pour elle, le janséniste n’est qu’une variété du jésuite : si elle admirait Bossuet, son cœur était à Voltaire. Elle tolérait le culte et le salariait ; mais, comme si elle eût refusé d’entrer en part avec Dieu, elle avait mis la religion hors la loi.

Elle ne souffrait ni noblesse, ni aristocratie, pas d’autre hiérarchie que celle des emplois et des fortunes, conquises à la pointe du travail.

Elle a prouvé enfin, en mainte circonstance, qu’elle ne se souciait ni de réglementation, ni de corporation, ni de communisme ; elle n’accepte pas même le libre échange. Le libre échange, aux yeux d’un conservateur, est une des mille faces du socialisme.

Que veut-elle donc cette bourgeoisie cauteleuse, tracassière, ingouvernable ? Pour peu que vous la pressiez de répondre, elle vous dira qu’elle veut des affaires ; elle fait bon marché du reste. Des opinions et des partis, elle s’en raille ; de la religion, nous savons ce qu’elle pense ; son régime représentatif, pour lequel elle a tant combattu, lui fait pitié. Ce que veut, ce que demande la bourgeoisie, c’est le bien-être, le luxe, les jouissances, c’est de gagner de l’argent.

Et le peuple, sur tous ces points, est de l’avis de la