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bourgeoisie. Lui aussi prétend avoir sa part de bien-être, de jouissance et de luxe ; il veut, en un mot, être libre, prêt, à cette condition, à croire ce que l’on voudra en religion comme en politique.

Eh bien ! la mission de Louis-Philippe, mission qui lui a été donnée par le pacte de 1830, a été de faire prédominer l’idée bourgeoise, c’est-à-dire, — entendons-nous ! — non pas d’assurer à ceux-ci le travail, à ceux-là le profit, à tous le bien-être ; non pas d’ouvrir des débouchés au commerce, et de se faire le pourvoyeur d’affaires du pays : c’eût été résoudre le problème social, — mais de propager la morale de l’intérêt, d’inoculer à toutes les classes l’indifférence politique et religieuse, et, par la ruine des partis, par la dépravation des consciences, de creuser les fondements d’une société nouvelle, de forcer, pour ainsi dire, une révolution arrêtée dans les conseils de la destinée, mais que la société contemporaine n’acceptait pas.

Oui, IL LE FALLAIT ; et c’est vous, dynastiques de toutes les nuances qui l’avez voulu ! Ah ! vous reculez devant cet affreux système : j’adhère pleinement et sans réserve à l’inexorable gouvernement de Louis-Philippe.

De bonne foi, de quoi voulez-vous que s’occupât un roi à qui ses commettants avaient dit : Tu seras le corrupteur de notre génération ; et qui, par un accord admirable de la nature et de la politique, semblait créé tout exprès pour une pareille époque ? Comment eût-il résisté à ses avides solliciteurs, attendant de lui l’aubaine, comme les petits oiseaux attendent de leur mère la becquée ? Comment serait-il demeuré sans pitié pour ces âmes altérées de vice, que l’aspect de la vertu faisait souffrir comme un purgatoire ?

Placez-vous au point de vue du pouvoir de juillet ; remémorez-en vous-même les institutions et les idées qui avaient formé jusqu’alors le capital moral de la société, qui com-