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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/135

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réalité immédiate le saisit, et — détour imprévu — le présent bien rempli le conduit à un avenir entrevu dans un rêve, très clair et très confus, tout ensemble, de noblesse et de félicité.

Ah ! il s’occupe peu aujourd’hui des fantômes qu’il poursuivait autrefois. C’est un mépris immense qu’il éprouve pour la gloire facile que procure l’exercice des vertus bourgeoises. Mais l’arrivée d’un enfant dans sa vie lui fait prendre la conscience exacte des vraies grandeurs. Il marche maintenant selon son âme.

Après sa profitable station sous les étoiles, Nangès revenait chez lui par la place Napoléon. Un vent frais soufflait de la mer, soulevant les lames qui passaient par-dessus la balustrade de fer et balayaient la place. Chaque paquet de mer faisait un bruit aigu qui se prolongeait dans la nuit en sifflements indéfinis. À l’Église de la Sainte-Trinité, gardienne de la mer, les dernières notes de l’Angélus s’espaçaient et ces deux bruits mêlés, celui de la lame et celui de la cloche, faisaient une harmonie banale, attendue, si l’on peut dire, pour cela peut-être, inexprimablement spiri-