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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/147

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que représente une batterie de campagne. Enfant naïf, il croit déjà, par le digne emploi de sa jeune vertu, honorer le nom français !

On suivait une route qui sinuait dans la neuve verdure. Des arbres s’inclinaient vers le fossé, se penchaient sur les canons… Quelle force, quelle puissance fatale, irréfragable, que cette colonne pesante qui roule, dans l’avril délicat, au trot pesant des porteurs et des sous-verges ! Nul bruit que de l’acier des canons, des cercles des roues et des fers des chevaux. Nul bruit humain. Il semble que c’est une chose qui marche, une substance métallique qui s’écoule pesamment, comme la fonte en fusion d’un touret Bessemer.

La cadence unie charmait Maurice. On eût dit qu’un seul mouvement soulevait les hommes et les abaissait, au rythme plein des attelages, comme si tous ces hommes n’en étaient qu’un, un seul mouvement uniforme, aisé, d’enlèvement et de translation. Une courbe de formule simple. Ici, il pouvait prendre conscience d’un tel plaisir. Une joie aiguë lui venait de se laisser aller, sans penser, de se sentir mêlé à cette force mystérieuse qui promet les victoires. Et aussi de tout cet acier, dans toute cette