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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/154

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défilait lentement, pesamment, avec un air de fatigue, de long usage. Malgré ses vingt années de service, il savait encore tirer profit d’un tel spectacle. Son œil fin observait, semblait saisir le détail et l’ensemble, la partie et le tout dans un même mouvement, une même opération visuelle… Il aperçut Maurice et mit son cheval à côté de l’attelage du jeune homme :

— Eh bien, petit, lui dit-il brusquement, as-tu reçu des nouvelles de ton père ?

Maurice tourna vers lui son regard sérieux. Ses yeux bleus, honnêtes, fixèrent Nangès.

— Oh non ! mon capitaine, le père ne m’a pas écrit… Nous sommes fâchés.

— Il ne voulait pas te permettre de t’engager ?

— Non, il ne voulait pas. On s’est disputé…

Il s’arrêta un moment, et comme Nangès ne disait rien, il continua :

— Comme il fallait son autorisation, je l’ai menacé de m’engager dans la légion étrangère où l’on m’aurait pris sans papiers. C’est ce qui l’a fait céder.

— Mais, dit Nangès en allumant sa cigarette, as-tu bien réfléchi à ce que tu faisais ? Te voilà canonnier. C’est très joli. Mais tu ne peux pas