Aller au contenu

Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/153

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les faces noires de terre, comme au retour d’une bataille… Et c’était vrai ! Vincent revenait d’une victoire ! Il ressentait l’ivresse, le petit frisson froid du grand mouvement en commun, de l’action énorme, combinée, mystérieusement unie et qui vous écrase, et où il jouait son rôle pourtant, infime et capital. Il croyait que ce ne serait guère plus beau, si c’était vrai. Au fait, c’était presque aussi beau.

Personne ne se le disait : mais une simple manœuvre de régiment, pour peu qu’on se laisse aller à l’impression, pour peu que les yeux aient conservé quelque jeunesse, est une raison suffisante d’espérer. Sans doute, comme remède aux assourdissants bourdonnements de nos esprits forts, des manœuvres, même des grandes, ne valent pas une guerre. Mais tout de même, lorsqu’un officier quitte la grande ville et qu’il s’en va pendant quelque temps dans la bonne brousse française, avec ses canons derrière lui, il va mieux, il sent un peu de fraîcheur, son âme est rafraîchie.

Le capitaine Nangès marchait seul en tête de la batterie, à vingt mètres. Un moment, il s’arrêta et regarda s’écouler la colonne. Elle