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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/157

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canonnier de deux jours de consigne pour n’avoir pas de « lanterne » à son képi. Il appelait lanterne ce mince liséré rouge qui entoure la grenade du képi d’instruction. Maurice, à vrai dire, ne comprenait pas ce terme et il fut mortifié de son ignorance. Mais il le fut davantage encore, le soir de ce même jour. Les jeunes candidats n’ayant pas pour la plupart récité leur théorie d’une façon impeccable, le sous-officier rassembla ses hommes et commanda : « Pas gymnastique. « Maurice fit ainsi le tour complet du polygone au grand pas de course, dans l’ignoble mélasse qui inondait de boue son bourgeron blanchi avec grand soin. Il rentra le soir harassé. Couché sur son lit, les yeux clignotant de sommeil, il songeait avec désespoir qu’il avait encore quelques pages de théorie à apprendre pour le lendemain, et il eut une heure d’affreux découragement. Voyant plus loin, il songeait à l’immense route qu’il avait encore à parcourir. Même à ce moment pourtant, il sentait confusément cet orgueil, naïf et charmant, de se dire un « vrai » soldat. Et s’il pensait à cette fin dernière qu’il poursuivait, les moyens ne lui en semblaient pas indignes.