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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/165

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Il était entré dans une maison nouvelle. Les perspectives passées lui étaient étrangères. Tout l’ancien édifice lui était devenu, sans qu’il s’en fût aperçu, tout à fait inintelligible. Au vrai, tout ce lyrisme lui semblait de la non réalité. M. Vincent parlait de l’évolution du monde moderne, des derniers vestiges de la barbarie, de l’avilissement de la discipline militaire, et même de la conférence de la Haye. Enfin tout l’appareil de la philosophie moyenne était étalé là, dans une surprenante confusion. Phrases fumeuses dont l’enfantine et appliquée calligraphie symbolisait bien la prétention et la misère !

Le soir du jour où Maurice reçut par la poste cette dissertation, il y avait un tir de nuit à l’île Pelée. Le jeune soldat se trouvait sur cette plateforme de béton armé, toujours balayée par l’air salin, où s’allongent, braqués sur le large, les gros canons de 32 et les pièces de 100. La manœuvre l’occupait tout entier. L’œil fixé sur le cran de mire de sa hausse, il s’employait à faire donner, par de brèves indications à la voix, la direction au canon que les volants déplaçaient pesamment. Comment, devant des réalités aussi nettes, devant ces réalités, les