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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/179

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ténue, arachnéenne. Ainsi le père se croyait-il plus libre, plus grand de même, que le fils, et il se félicitait de la supérieure intelligence de ses haines.

Maurice ne brûlait que de se soumettre, et il était de la race des hommes libres. Sébastien, était de la race des esclaves, et il proclamait l’indépendance de la raison affranchie.

Il avait du progrès l’idée que s’en font tous les ignorants. Qu’étaient vingt siècles d’histoire pour lui, devant cette force mystérieuse ? Mais l’histoire, à son tour, prenait sa revanche. En face de cet homme se dressait un enfant qui n’écoutait que son cœur, et qui osait entendre en lui la voix du passé. Tout à coup, par un retour imprévu, par une opération inattendue, comparable à ce que nos savants appellent l’hérédité régressive, vingt siècles de fine civilisation, de bonnes manières, de sérieux, de noblesse d’âme, revivaient en ce dernier venu.

Sébastien voudrait bafouer le soldat, comme il voudrait bafouer le saint, comme il voudrait bafouer le poète. Mais le voilà qui est tout bête devant son fils le soldat, et qu’il a peur devant son fils, et qu’il ne comprend pas, le malheureux !