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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/180

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— Trouves-tu pas que c’est une belle situation que la tienne, à cette heure…

— C’est selon.

L’enfant se balançait sur ses grandes jambes, devant la fenêtre nue qui laissait voir le printemps. Ils se taisaient. Le père marchait lourdement, dans ses sabots, les mains dans les poches de son veston. Des fusils étaient pendus aux murs blancs. Un lourd silence était tombé entre eux, comme celui-là qui s’abat avant l’orage, devant les fermes. Maurice s’ennuyait, le magnifique enfant qui savait tout, devant cet homme qui ne savait que ce qu’on apprend, que ce qu’il avait appris, si peu de chose…

Sébastien Vincent s’assit près de la table ronde, couverte de toile cirée. Briquet, le vieux setter, s’étirait à ses pieds. Sébastien dit plus bas, accablé, les deux coudes sur la table :

— Comment cela t’est-il venu ?

— C’était un matin. J’étais réveillé avant l’aube. J’ai entendu le clairon du 25e, dans le froid de l’hiver…

Sa voix était si lointaine que déjà le père ne l’entendait plus, et déjà il était seul, courbant la tête sur son cou, le regard fixé sur le sol.

M. Vincent parla longuement de l’armée, et