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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/193

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pas vêtue en paysanne, mais en petite provinciale modeste, un peu sauvage. Seulement, elle ne pouvait plus ne point palpiter de plaisir quand elle se trouvait près du rude soldat qu’était Vincent…

Du pont de pierre, les amoureux voyaient la petite ville toute proche. Ses toits moussus s’endormaient. Une fenêtre s’éclaira dans l’ombre. Maurice pensa aux vies paisibles et obscures qui étaient là… On n’entendait plus que le bruit d’une vanne qui filtrait doucement son eau sur les aubes d’une roue de moulin, perdue dans le feuillage. Derrière eux, les glèbes des exploitations agricoles, les coteaux délicats, s’effaçaient, se perdaient dans la brume chaude. Maurice frissonna : il sentait confusément à cette heure la fuite du temps, la hâte de vivre, l’impatience du plaisir, le désir. Sans rien dire, il prit la main de la jeune fille qui venait de relever son chignon rebelle.

Il se laissait aller à d’imprécises songeries. Volontiers il aurait pensé à des fjords de Norvège sous la lumière bleue de la lune de minuit. C’est ainsi qu’aiment les hommes, et il n’est point jusqu’à ce petit soldat qui ne veuille mettre dans son amour un parfum de