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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/192

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il eut rattaché la barque au rivage, il lui dit de sa voix un peu paysanne :

— Sais-tu bien que je pars ce soir, Clairette ?…

— Oh ! mon pauvre Momo !… dit la jeune fille dans un soupir.

Et voilà que Maurice la contemple longuement et qu’il s’attendrit, tel ce matin, devant les saules et les tilleuls de son enfance. Comme eux aussi, elle est toute son enfance, toute sa jeunesse, tout son pays. C’est à peine sa beauté qu’il veut voir… (est-elle jolie ?)… mais combien de liens l’enchaînent, le retiennent au merveilleux passé.

Ils étaient arrivés près d’un vieux pont de pierres dont l’arche blanche s’avançait sur l’ombre opaque de la rivière. Ils s’arrêtèrent, comme pour mieux goûter la joie amère de l’heure qui fuyait… Ô les beaux mouvements de l’âme que ressent Maurice quand ils suspendent leur promenade, timides tous les deux devant l’amour ! Oui, elle était jolie tout de même, la fille du vieux Monestier, avec sa robe de coutil rose et cette figure où tout plaisir laissai : sa trace et ses cheveux blonds que l’été et la jeunesse ébouriffaient. Elle n’était