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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/205

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sa tête, ce timide essaya un baiser. Les lèvres de Claire étaient fraîches, presque froides de toute la nuit qu’elles avaient frôlée. Maurice sentit un frisson de révolte qui les remuait. Ce fut un moment, mais si plein, si intense, qu’il portait en lui un infini de consolation.

L’émotion de Maurice était riche quand il consentait à l’amour et se laissait aller, parce qu’il savait trop bien, le pauvre enfant, que ces beaux jours n’auraient pas de lendemain. À sa vie, toute tissée de mâles vertus, il fallait ces faiblesses, ces abandonnements.

Maurice lâcha sa douce proie. Le train stoppait, dans un grincement aigu de freins. Il monta dans un compartiment de 3e classe. Accoudé à la portière, il regardait cette gamine, abandonnée à son tour, désemparée sur le quai désert. Cette image le navrait. D’ailleurs, que pouvait-il dire qui ne froissât le besoin qu’ils sentaient tous deux de se recueillir ? Que pouvait-il dire maintenant ? Il s’ennuyait. Il avait hâte que le train partît, que la solitude le rendît à lui-même. Mais quand il partit, en effet, le jeune homme suivit longtemps des yeux cette forme grise toute noyée