Aller au contenu

Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/214

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

J’estime nécessaire, mon cher ami, qu’il y ait dans le monde un certain nombre d’hommes qui s’appellent soldats et qui mettent leur idéal dans le fait de se battre, qui aient le goût de la bataille, non de la victoire, mais de la lutte, comme les chasseurs ont le goût de la chasse, non du gibier. « Ils ne savent pas, dit Pascal, que ce n’est que la chasse et non le prix qu’ils recherchent. » Si l’officier est tout uniment l’homme qui fait son devoir — son devoir professionnel, — en cas de guerre, c’est beaucoup, certes, mais c’est beaucoup moins qu’il ne m’en faut. L’état d’officier comporte une autre règle. Il implique des doctrines, un corps indépendant de doctrines qui ne sont pas à l’usage de tous, ad usum universi, de même que le savant et le prêtre ont en quelque sorte une morale professionnelle, une doctrine morale inhérente à leur état, enfin des obligations morales particulières, outre les obligations professionnelles tout court, matérielles et mondaines. Notre rôle à nous, ou alors nous perdons notre raison et nous n’avons plus de sens, c’est de maintenir un idéal militaire, non pas, notez-le bien, nationalement militaire, mais, si je puis dire, militairement militaire.