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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/218

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fois, quand, redescendant en vous-même, vous mesurez le but qui vous est proposé, avec votre conscience de moderne, et que vous devez, à ces moments-là, sentir de découragement ! Comme ces condamnés au hart labour, qui, dit-on, poussent toute la journée devant eux une roue qui tourne à vide et usent leurs forces sans résultat tangible…

Timothée Nangès intervint pour donner avec bonhomie une conclusion :

— Peut-être, dit-il, allez-vous trop loin, Labastière. Votre jeunesse vous entraîne. Aussi bien, représentez-vous, Messieurs, deux types de soldats qui ont toujours existé et existeront toujours. Mais à quoi bon philosopher ? Ce qu’il y a d’admirable dans notre état, c’est que les théoriciens n’y ont point de place. Napoléon l’a déjà dit. Il n’aimait pas, vous le savez, les idéologues. Nous occupons la borne où viendront éternellement se briser les philosophes et les moralistes, les philanthropes, les hygiénistes, les orateurs et les politiques. Je crains qu’ils n’éprouvent tous une mésaventure analogue à celle d’un ministre qui vint jadis nous visiter. Je veux vous la conter, parce qu’elle comporte un sens assez caché, que vous